Zerban repose dans le turbe de Bulam. Qui est-ce ? Personne n’a pu me dire à quelle époque vivait ce saint personnage alévi. Sa présence est liée à la source qui coule près du turbe, ou au contraire, la source est liée à sa présence. Certains pensent qu’il s’agit d’une femme. En tout cas je n’ai vu que les femmes entrer honorer son tombeau.
Le monticule qui se dresse derrière le turbe n’a rien de naturel. Il s’agit d’une citerne d’eau : l’antique chateau d’eau anatolien.
Zeynep recouvre le tombeau de Zerban d’un tissu. On peut en échange emporter celui déposé par une autre, après avoir fait un voeu.
C’est le 8éme Senlik (festival) organisé par le dernek, l’association de villageois de Bulam (Pinarbahce de son nom officiel). Il a lieu le second dimanche d’Août. J’y avais déjà assisté il y a deux ans. A l’époque la municipalité SHP avait pris l’organisation en main. Il y avait eu alors conflit avec le dernek qui avait renoncé à y participer et avait organisé son « senlik parallèle ».
C’était juste après les élections législatives remportées par l’AKP, le parti du chef de gouvernement Recep Tayip Erdogan. Le senlik était alors marqué du sceau de la laicité. Les alévis se méfient des partis religieux – ils ont des raisons à ça. Le seul député CHP (le parti kémaliste) d’Adiyaman et le commandant de gendarmerie étaient alors les hôtes d’honneur.
Mais c’est le DTP, le parti pro kurde, qui a remporté les élections municipales d’Avril dernier. Du coup le dernek a repris l’organisation en main. Et cette fois, le senlik était très pro kurde, tout en conservant son ambiance de kermesse populaire. La banderole d’accueil est bilingue, turco- kurde.
Burasi Türkçe . Pour ceux qui lisent le turc, un compte rendu et quelques photos sur un forum alévi.
Le ton changeait dès l’arrivée . Cette fois il y avait contrôle de gendarmerie avant d’entrer au village. Zeynep avait oublié sa carte d’identité à Malatya. On l’a laissée passer sans difficultés quand même. Moi j’arrivais d’Hakkari, donc ça ne m’a pas dépaysée. C’est la femme policier à qui j’ai tendu mon passeport qui a été déroutée. C’est la première fois qu’elle avait à faire à un « kimlik » (identité) européen.
Cela n’a évidemment pas rebuté la foule qui était bien plus dense cette année. Les anciens villageois sont venus de Malatya, Adiyaman, Adana, Mersin sans compter les vacanciers d’Istanbul rentrés au village pour la récolte du tabac.
Il faut dire que deux grandes pointures de la chanson étaient annoncés. Erdal Erzincan, d’abord, un musicien alévi, virtuose du saz, comme on peut l’admirer ici. « Seversen Ali » signifie « Si tu aimes Ali » . Et surtout Koma Agire Jiyan, un chanteur kurde très populaire dont voici un des tubes les plus célébres.
Les villageois des villages de la montagne sont descendus dans la vallée.
D’autres encore.
La consommation de boissons alcoolisées est strictement interdite dans ce lieu. Il vaut mieux le rappeler. La religion alévie ne proscrit pas l’alcool et les hommes picolent pas mal à Bulam.
A cet endroit sont installés quelques stands. A un moment ça chauffera lors du concert de Koma Agire Jiyan.
Pour garder les boissons au frais, l’eau du bassin est buzgibi (fraiche comme de la glace).
Mais les enfants y barbotent. Ils ont de la chance, le soleil cogne ce dimanche d’Août.
Les meilleures places, sous les arbres et près de la fraîcheur du bassin.
Les festivités ont débuté à dix heures du matin, par des halay…très politiques, comme dans les mariages à Hakkari.
Les notables sont arrivés peu à peu. Après le discours du maire, c’est le député DTP d’Urfa, İbrahim Binici,qui a pris la parole. D’abord en kurde, puis en turc. Il fait référence dans son discours à l’entrevue qui vient de se dérouler entre Tayip Erdogan et Ahmet Türk, le président du DTP ostracisé jusque là. Le leitmotiv est le mot baris (paix) qui revient régulièrement. Partout dans la région kurde, on sent qu’on commence à la croire possible.
Les deux noms du village, Bulam son nom kurde et Pinarbahce, issu de la turquifisation, sont employés. Le nom Kurdistan aussi.
Monsiieur le député a fini son discours. Il repart avec un petit signe alla kurda.
On l’a écouté…
La mère, la grand mère (à droite) et un neveu de Zeynep aussi.
La jeune génération.
Pas de Senlik alévi sans semah. danse rituelle alévie. D’abord les enfants. Sous leurs vêtements ils cachent des colombes qui prendront leur envol.
Ils sont rejoints par les villageois.
Ceux ci sont des dede.
On peut suivre le rituel en musique sur Daily motion . Et pour ceux qui ont accès à You tube, Demme Demme, interprété par koma Agire Jiyan . Mais personnellement je préfère la version de Kardes Türküler.