Elles me font penser à des confiseries géantes. J’ignore à quand remonte cette tradition, mais toutes les fiancées d’Hakkari (près de la frontière turco-irano-irakienne) se couvrent ainsi de ce voile aux couleurs très kurdes, dès que le convoi du fiancé vient les chercher , dans la fête de mariage que leur famille organise de son côté.
Comme partout ailleurs en Turquie, la ceinture rouge est symbôle de virginité. Si vous avez un ami turc (kurde, arabe, tcherkesse etc..) évitez de lui offrir un pull-over rouge. Il risque de ne jamais accepter de le porter.
C’est le moment où la fiancée quitte sa famille. Quelques femmes parmi ses proches l’accompagnent, des soeurs ou des tantes, mais pas ses parents.
Toute fiancée se doit alors de pleurer – même si elle épouse un voisin ou l’homme de sa vie, ce qui est le cas. Ce n’est pas parce qu’on respecte les formes de la tradition, qu’on ne fait pas un mariage moderne. Cette fiancée est infirmière, n’a pas l’intention d’abandonner sa profession et elle épouse un jeune professeur de lycée que personne n’a choisi pour elle. Mais elle a certainement versé quelques larmes aussi, sous le voile, qu’elle retira dans l’intimité de la maison, quand son fiancé lui aura offert suffisamment de bijoux (en or) pour la convaincre le faire…
D’ailleurs tous les mariages auxquels j’ai assisté à Hakkari – et ça commence à faire pas mal – étaient consentis. Seuls des gens de la génération des parents des mariés m’ont raconté s’être retrouvé(e)s marié(e)s à un(e) cousin(e) alors qu’ils n’étaient pas encore sortis de l’adolescence, sans que leur avis ait été consulté. On m’a dit que ça arrivait encore. mais c’est très loin d’être la généralité et c’est mal vu. Il faut dire que la plupart des filles d’Hakkari sont scolarisées, ce qui était rarement le cas de leur mère. Ce n’est pas la seule raison de cette évolution, mais elle y participe.
Des femmes de la famille aident la fiancée à s’installer. Derrière elle, un des kilims que l’on confectionne dans le village d’où est originaire la famille du fiancé.
Même s’il arrive parfois que les deux conjoints assistent ensemble à la kina gecesi (nuit du henné) puis le lendemain au « dugun » (fête de mariage), généralement à Hakkari, les deux fiancés restent séparés, même lorsque la fiancée est arrivée à la fête donnée chez le fiancé. Lui est assis quelques mètres plus loin, parmi les hommes.
A son tour elle participe au halay. Pour se diriger elle a besoin d’un petit coup de main.
Le temps d’une danse, elle rejoint son fiancé, qui porte autour du cou le cordon rouge sur lequel les invités avaient aggrafé leur obole. Assister à un mariage est d’abord une manifestation de solidarité. Un ami me disait qu’il avait du faire une apparition à une dizaine de mariages le dimanche précédent, ce qui lui avait coûté la bagatelle d’environ 200 euros. Ne pas s’y rendre aurait signifié une baisse de prestige et sans doute des histoires..
Lorsque les mariés y participent, le halay ralentit considérablement son rythme pour adopter celui de la fiancée. Ce ne doit pas être aisé de danser le visage caché sous ce voile.
A partir de ce moment la danse devient et restera mixte, comme pour les halay de la kina gecesi, la veille.
Auparavant, les hommes (à droite on aperçoit le fiancé embrassant un des invités)…
…et les femmes, dansaient leur halay séparemment.
Cet été, le rose et le vert étaient les couleurs à la mode dans les mariages. Dans la vie courante, la plupart de ces jeunes femmes ont renoncé à la tenue traditionnelle encore portée par leurs mères. Les mariages comme la plupart des festivités (newroz, journée des femmes etc…) permettent de perdurer la tradition vestimentaire. Ca donne aussi du travail aux couturiers locaux, quand les femmes – souvent les mères pour les jeunes filles- ne cousent pas elles-mêmes leurs nouvelles robes.
C’est d’ailleurs cette association de tradition et de modernité qui rend la région d’Hakkari si fascinante.
Des couples dont l’élégance va jusqu’à assortir les couleurs de leurs tenues respectives.
Mais il arrive qu’on fasse des entorses à cette tradition. Il y a deux ans, un de mes amis a épousé une femme de Yüksekova. Et pas question quand on est une femme de Yüksekova de se cacher sous un voile pendant toutes les festivités. Elle l’a donc retiré peu après son arrivée dans la fête donnée à Hakkari, par la famille de mon ami, tout comme la fiancée du maire de Semdinli cet été, sans que personne n’y trouve rien à redire.
J’ai aussi assisté à quelques mariages à Hakkari, mais aucune fiancée ne portaient un tel voile.
Par contre, les hommes et les femmes étaient séparés.
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Ca fait des années que je me rends régulièrement à Hakkari et j’ai assisté à pas mal de mariages. A chaque fois, les fiancées portaient ce voile, même celle du président du CHP local, il y a 5 ou 6 ans.
Peut-être que quelques femmes ne le mettent pas , mais ça ne doit pas être fréquent.
(comme je l’écris sinon, certaines le retirent rapidement)
vous êtes sûre de ne pas avoir plutôt assisté à des kina gecesi, ou au mariage donné chez la fiancée? Elle y trône en robe blanche et ne se cache sous ce voile que lorsque le convoi du fiancé arrive au mariage pour l’emmener dans leur fête, généralement au milieu ou en fin d’après midi.
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A ce lien, le mariage à Hakkari d’une femme d’Isparta avec un Hakkarili. Elle aussi à un moment porte ce voile….
http://www.hakkarihabertv.com/haber/ispartadan_hakkariye_gelin_geldi.asp
D’ailleurs il s’agit de la kina gecesi.. puisque la fiancée porte une robe rouge et que le fiancé n’a pas de costume de cérémonie.
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