J’avais décidé de passer le Noël de l’an dernier à Yüksekova. Evidemment, ça allait être un Noël sans réveillon, mais pas question qu’il soit sans sapin C’était même le but du détour sur ma route vers Hakkari , faire un sapin de noël avec les enfants de Süleyman, le fleuriste préféré des habitants de la ville.
J’étais partie de France ma valise pleine de décorations de noël. Pour le sapin c’était un peu plus compliqué. Pas évident d’en emmener un d’Istanbul. J’espèrais qu’avec le talent de commerçant de Süleyman, il y en aurait peut-être un ou deux dans sa boutique, destinés à quelques fonctionnaires ou quelques familles de militaires.
Le 24 décembre, mon avion atterissait sur l’aéroport de Van enneigé. Un vrai décor de Noël. De là minibus jusqu’à Yüksekova au croisement des frontières avec l’Irak et l’Iran. Un trajet qui aurait du prendre 4 heures, mais qui, avec la neige, le vent et la nuit qui tombe très tôt à l’Est en cette saison , a pris plus de temps. Heureusement, j’étais bien couverte, parce que le chauffage du véhicule ne marchait pas très bien. En fait on avait l’impression qu’il ne marchait pas du tout, même. Autant dire que la soupe – je ne me souviens jamais du nom de cette soupe kurde délicieuse – à l’étape de Baskale était la bienvenue.
A l’auberge j’ai retrouvé le passager qui était mon voisin dans l’avion. Quelque chose me disait qu’il allait aussi à Yüksekova. Mais il avait passé le trajet l’oeil vissé sur le hublot, plongé dans la contemplation des paysages enneigés. J’en avais déduit qu’il revenait peut-être après une longue absence. Mais je n’allais pas le sortir de sa contemplation juste pour le plaisir de vérifier si mon intuition était juste. En découvrant que c’était le cas par contre, je l’ai salué, comme une connaissance que je retrouvais. Quand il a compris que je venais de l’étanger, il s’est dit désolé de son mutisme dans l’avion.
En arrivant à la boutique de Süleyman, il avait fallu renoncer au sapin. Il avait bien tenté de lancer la mode quelques années plus tôt, mais ses sapins lui étaient restés sur les bras. Il avait préféré ne pas renouveler l’expérience.Et on n’en trouverait pas ailleurs à Yüksekova.
Süleyman est toujours parmi les derniers commerçants à quitter la galerie marchande, c’est donc tard dans la nuit que nous sommes arrivés chez lui. J’en ai profité pour repérér un arbuste dans le jardin qui ferait l’affaire pour le sapin. Et au moins, la neige serait naturelle.
Rosbin, l’ainée des filles m’attendait devant la télévision, mais sa petite soeur Rojin qui avait tenté d’en faire autant s’était effondrée sur les coussins. On ferait le sapin le lendemain matin, les enfants suivant les cours de l’après midi. Avant de me coucher j’avais bien recommandé à Rosbin de me réveiller le lendemain à 8 heures – j’aurais pu dormir jusqu’à midi après un voyage pareil. Pas de crainte qu’elle oublie. A 4 heures du matin elle réveillait son père « Babam kalk ! noël olacak ». (papa réveille toi, ça va être Noël). Mais j’ai bien dormi jusqu’à 8 heures, sous des couvertures super chaudes, heureusement, parce que le chauffage électrique qu’on avait installé près de mon lit s’était lui aussi montré inefficace. A cause des chutes de neige, l’électricité était coupée pour trois jours. Trois jours sans électricité et sans eau non plus.
Cela ne nous a pas empêchés de faire le sapin, pendant que la mère de Süleyman débarassait le trop plein de neige dans la cour.
Ce n’est pas une tradition à Yüksekova,
mais les enfants s’y sont vite mis.
Même la plus petite y a apporté sa touche. Ca a du lui plaire, depuis ce moment là elle ne me fait plus la tête.
Il était vraiment sympa cet arbuste improvisé sapin de noël, mais un peu éphémère. Les enfants ont préféré le démonter avant de partir à l’école. En attendant de le refaire le jour de l’an. Les petits voisins traversent la cour et comme c’était certainement le seul arbre de noël à des kilomètres à la ronde, ils auraient pu avoir envie de se laisser tenter eux aussi.
Avant de partir les filles ont glissé des étoiles et des clochettes dans leur cartable, pour montrer aux copines et à la maîtresse. Elles auraient bien aimé me montrer moi aussi à la maitresse, mais à cause de la coupure d’électricité qui compliquait le quotidien de tout le monde, j’ai avancé mon départ pour Hakkari. Et avec la neige qui recommençait, il valait mieux partir avant que la nuit commence à tomber.
Cette année ce n’était plus les flocons de neige qui tombaient, mais des pierres et des coktails molotovs qui volaient, le matin de noël dans la ville.
J’apprécie beaucoup votre blog.
Bonne Année à vous et à tous les Turcs de bonne foi, qui sont nombreux.
Nomade
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Merci beaucoup Nomade,
Bonne année et bon nomadisme à vous.
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Merci pour votre excellent travail sur les Kurdes et le vrai visage de la Turquie. Il permet aux Occidentaux de mieux cerner le jeu cynique des dirigeants turcs. Bonne route et bonne année 2019. J’espère qu’elle sera moins douloureuse pour les Kurdes.
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