Notre bus nous dépose au coeur d’Ankara. C’est en manifestation, avec nos sacs que nous le rejoignons. Les hommes déroulent une pancarte. Et c’est parti : Les poings levés, « Hep beraberiz » (Nous sommes tous unis) -« Tekel Direnis ! » (La résistance des Tekel), jusqu’au lendemain soir, presque sans interruption.
Nous arrivons rapidement au campement. Je n’avais pas compris qu’il était si proche. Ni que les manifestations d’aujourd’hui consistaient à défiler dans le campement. C’est à dire dans deux rues ! Plus de 20 000 sympathisants y sont passés ce jour et cette nuit là. Autant dire que le village de tentes est continuellement bondé et qu’il est n’est pas aisé de s’y déplacer.
A l’entrée du campement, une pancarte avec les remerciements des Tekel aux commerçants de Sakarya a été plantée. Ce n’est pas fréquent que les commerçants d’un quartier piétonnier de centre ville acceptent, que leur rue se transforme en campement d’ouvriers d’une entreprise d’Etat en grève.
Certes, dans ce quartier du coeur d’Ankara, on n’aime guère l’AKP. « Ce ne sont pas les grévistes qui nous gênent, c’est le gouvernement » m’a dit un commerçant. Et les entreprises d’Etat sont un héritage kémaliste. Mais cela suffit-il à expliquer ce soutien indéfectible aux gréviste; alors que leur chiffre d’affaires s’effondrait ? J’ai eu l’impression que les commerçants de ces deux rues avaient quelque part adopté et protégé ces grévistes si déterminés.Sans ce soutien, il est probable que le camp aurait été évacué de force.
Je pense aussi que malgré l’embourgeoisement d’une partie de la population et l’adoption de modes de vie à l’américaine, la culture du pays est marquée par l’histoire, et sans doute plus encore les récits (romans, cinéma social, poésie..) de ses mouvements sociaux. La Turquie est le pays de Nazim Hikmet, on peut presque dire que Nazim Hikmet est le poète du pays. Les urbains ont tendance à mépriser le villageois (sauf « les siens », bien sûr), mais l’ouvrier, et d’autant plus s’il est en lutte, reste une figure positive.
En chemin nous croisons les manifestants qui commencent à affluer. Ici les avocats de Cagdas. Ils ont aussi une tente dans le camp. Plus chic que celle des isçi (ouvriers).
J’ignore ce qu’est cette plate-forme. Mais elle soutient les ouvriers de Tekel, ça c’est sûr.
Les drapeaux rouges des syndicats, du TKP (parti communiste de Turquie) et de l’extrême gauche.
Sous les drapeaux de l’extrême gauche, beaucoup de jeunes.
En orange, je crois qu’il s’agit de l’ÖDP (gauche alternative. Ou gauche non nationaliste, pour la situer sur l’échiquier politique turc). Si ce n’est pas eux, l’ÖDP était bien présente.
Des halay parfois immenses, et kurdes surtout, jour et nuit sans interruption pendant ces deux jours. Un halay de la guerilla a été vite interrompu (quand même). On est à Cankaya, ici, pas à Hakkari. Et inutile de donner davantage prise aux accusations de récupération du mouvement.
Dans les deux rues du campement.
Les métalliers sont là.
Ceux-ci sont venus d’Eskisehir. A l’unisson avec la tente des Diyarbakir où ils ont passé un moment à discuter.
Sous les tentes… Ici celle de Diyarbakir, comme ceux qui connaissent la ville l’avaient peut-être deviné. Au premier plan, les ouvrières Tekel (et il y en qui sont persuadés que femme kurde est synonyme de femme soumise !)
Les hommes. Ils ne se sont pas levés, ils étaient déjà debout. Pas assez de tabourets, la tente est bondée. La rue aussi. Enfin la ruelle qui en reste.
.. sous celle de Bitlis
… et dans la rue
..devant le siège de la confédération syndicale Turk-is.
La petite Irmak
… qui a retrouvé son papa.
De jour, comme de nuit : TEKEL DIRENIS !
Par contre la manifestation du 1 avril, interdite, a dégénéré en heurts avec la police(gaz lacrymogènes, arrestations etc…)
Ici la photo galerie de la manifestation du 1 avril du journal Hürriyet
Et là, une vidéo de cette journée de manifestation Tekel du 1 avril 2010
(à suivre)