Depuis les manifestations vertes du printemps dernier en Iran et la vague de répression qui a suivi, des milliers de dissidents iraniens ont fui pour la Turquie. De là, ils espèrent obtenir un visa pour les Etats Unis, le Canada ou pour un pays d’Europe. Depuis la révolution islamique de 1979, la Turquie a été un pays de transit pour des flux successifs de ressortissants iraniens. Elle a aussi été un pays d’accueil pour des centaines de milliers d’entre eux.
Ils sont un peu plus de 1400 à avoir déposé une demande d’asile auprès des services du HCR en Turquie depuis juin dernier. Mais je présume qu’ils sont plus nombreux, d’autres préférant certainement tenter de rejoindre l’Europe par leurs propres moyens, ou s’installer chez des proches vivant et travaillant en Turquie.
Les trajectoires croisées de plusieurs de ces migrants iraniens en transit forment la trame du film du réalisateur franco- iranien Arash T.Riahi Pour un instant la liberté,(2009).
Et le documentaire Search (2005) de Yilmaz Özdil (à ne pas confondre avec l’éditorialiste du même nom ! allait à la rencontre de plusieurs d’entre eux, dans les cafés internet de la ville de Van, près de la frontière iranienne, où la webcam permet un lien avec les proches restés au pays ou vivant dans un pays d’accueil et qu’ils espèrent rejoindre.
Selon un article publié dans Hürriyet Daily News, parmi ceux qui ont déposé une demande d’asile auprès du HCR en Turquie, 92 sont des homosexuels, hommes et femmes, qui fuient un pays où l’homosexualité est passible de la peine de mort – et d’une peine de 100 coups de baton pour les femmes. 4000 homosexuels auraient été excécutés en Iran depuis la proclamation de la République Islamique, dont certains qui étaient mineurs au moment des faits. Et depuis que le président Mahmoud Ahmedinejad a déclaré dans un discours mémorable à l’université de Colombia, en 2007, qu’en Iran il n’y avait pas d’homosexuels, la situation de ceux que certaines estimations évaluent à environ 200 000 personnes s’est encore détériorée. Même si parallèlement ils ont commencé à s’organiser, notamment depuis juin dernier et grâce à la toile. Dans un article publié par le Washington Post, Safari explique comment les militants de la ville de Chiraz se reconnaissaient par une bague en argent portée au petit doigt et que le café où ils avaient l’habitude de se réunir avait été fermé après que Mahmoud Ahmedinejad ait été confirmé dans ses fonctions.
Alireeza s’apprête à quitter la ville de Kayseri, dans le centre de l’Anatolie pour l’Ouest des Etats Unis où vit la plus importante communauté iranienne de la diaspora. Il y a deux ans et demi, il avait fui l’Iran après avoir été poursuivi jusque chez lui par des basijis – gardiens de la révolution – qui l’avaient violé.
La mère d’Hengameh avait pensé la « guérir » en la mariant Elle y avait renoncé, parce que la jeune femme avait menacé de se suicider. Arrêtée en compagnie d’une femme, elle avait décidé de fuir. Elle aussi a été envoyée à Kayseri par les autorités turques où avec d’autres homosexuels iraniens, ils forment une petite communauté, attendant un pays d’accueil, Etats Unis, Canada, et plus rarement Australie ou un pays européen.
En Turquie, l’homosexualité n’est pas considérée comme un délit et ils ne craignent plus d’être poursuivis par les autorités. Cela étant, la vie ne coule pas tous les jours comme un long fleuve tranquille, dans cette ville très conservatrice du centre de l’Anatolie, coeur du « capitalisme vert » en Turquie et ville d’origine du président Abdullah Gül. De jeunes garçons du quartier s’en prennent régulièrement aux vitres de l’immeuble où plusieurs d’entre eux ont élu domicile. Et en cas d’agression, la police leur conseille … de se faire discrets.
Ici : galerie photos de l’article « Iranian dissidents, gays flee to Turkey » du Washington Post (15 février 2010)
5 Mai … Et pour ceux que l’anglais rebute, je signale que Armin Arefi vient de traduire en français l’article d’ Associated Press publié par Hurriyet, sur son blog « Dentelles et Tchador ».