Ce vendredi 15 février doit avoir lieu à Bursa la prochaine audience du procès de Sevil Sevimli .Normalement cette audience du 15 février devrait aussi être celle du verdict, mais je ne peux le confirmer tellement les méandres de la justice me restent mystérieuses.
A la suite d’une rencontre avec sa famille, j’ai déjà consacré un billet à Sevil. Cette étudiante kurde alévie, de nationalité(s) franco turque en séjour Erasmus encourt une peine de 21 ans de prison (lors d’une précédente audience, la peine exigée était même 32 ans !) alors que le procureur qui exige une peine aussi faramineuse n’a aucune action illégale à lui reprocher.
Une attitude d’étudiante engagée et une sensibilité proche de l’extrême gauche, comme des centaines de milliers de personnes en Turquie qui ne plongent pas non plus dans l’action violente, ont suffit à l’emporter dans le tourbillon des arrestations d’étudiants et à la faire accuser d’appartenir au DHKP-C une organisation interdite ( parfois suspectée d’avoir des liens avec l’état profond) et dont un des militants transformé en bombe vivante est responsable d’un attentat ayant récemment frappé l’ambassade américaine à Ankara (deux morts – dont le kamikaze – et une journaliste grièvement blessée))
Sa remise en liberté, en août, après trois mois de détention avait pourtant été un signal d’espoir. Très souvent pour les détenus incarcérés après une garde à vue, elle équivaut à une sorte d’acquittement. Kendal avait souri quand je lui avais demandé, un an après sa remise en liberté où en était son procès ( le procureur exige une peine de 43 ans de prison contre un garçon qui avait 15 ans quand il a été incarcéré). C’était la pagaille, différents tribunaux se déclarant incompétents se renvoyaient le dossier. Bref ça pouvait durer longtemps et en attendant le concours d’entrée à l’université le préoccupait davantage. Un des convives avait résumé la situation sur un ton amusé « moi, ça fait dix ans que je suis en procès »….
Mais pour Sevil, la justice a décidé de faire une exception en assortissant cette remise en liberté d’une interdiction de quitter le territoire. Une clause rarement réclamée et qui l’a condamnée de fait à l’exil. Elle ne peut plus rentrer à Lyon où elle a grandi, où elle étudie et où vit son père ,lui-même exilé en France et qui n’a pu la voir depuis des mois. Et comme c’est dans son autre pays qu’elle est exilée, puisqu’elle est possède les deux nationalités française et turque, c’est un peu comme si subitement sa maison avait été coupée en deux par un mur infranchissable.
Malgré tous les soutiens dont elle a bénéficié, des médias, d’anonymes qui ont été 135 000 à signer une pétition en ligne, d’élus de sa région ou du président de son université qui a fait plusieurs fois le voyage jusqu’à Bursa pour assister aux différentes audiences et alors que le ministre de la justice aurait peut-être préféré que l’interdiction de quitter le territoire soit levée, les juges sont restés inflexibles. Sa condamnation à l’exil a donc été confirmée.
Que ce soit intentionnel ou non, cette décision fait comprendre à ceux de la jeune génération ayant grandi dans le pays d’accueil de leurs parents et qui seraient tentés par un retour dans le pays d’origine de ces derniers, qu’ils ne seraient pas tous les bienvenus.
Espérons que la vague d’arrestations de militants (parmi eux plusieurs musiciens du Grup Yorum) et celle d’avocats ( qui a provoqué un tollé) accusés d’appartenir au DHKP –C, le 18 janvier dernier, ne jouera pas en sa défaveur et que cette nouvelle audience signera la fin du mauvais film dans lequel l’étudiante lyonnaise s’est trouvé entraîner depuis 10 mois maintenant.
Tout dépendra des juges. Certains doivent se réjouir de la suppression annoncée de l’actuelle loi anti-terroriste – qui devrait (normalement) en finir avec ces accusations de terrorisme contre des milliers de gens qui n’ont jamais participé à une action violente et n’appartiennent à aucune organisation interdite. Pour d’autres par contre, l’annonce de cette réforme doit être une très mauvaise nouvelle.