Comme les Musulmans du monde entier, ceux de Turquie célèbrent actuellement Kurban Bayrami (la fête du Sacrifice), la plus grande fête religieuse de l’Islam. Les grandes métropoles se vident, beaucoup profitant de ces congés ( entre 3 et 9 jours) pour voyager.
C’est ce que fait le Président Abdullah Gül qui a choisi de se rendre en pèlerinage à la Mecque avec son épouse. Il est ainsi le premier Président de la République de Turquie à effectuer le pèlerinage pendant son mandat. Türgut Ozal l’avait fait, mais alors qu’il était chef de gouvernement.
Évidemment, le voyage du chef de l’état s’accomplit dans des conditions différentes de celles des groupes de pèlerins, que l’on croise dans les aéroports , qui affichent leur dénuement et effacent leurs différences sociales : nus pieds dans des sandales et en toge blanche pour les hommes, longue robe et voile blancs pour les femmes. Quant aux conditions d »hébergement ce ne devrait pas être mal non plus. Le couple présidentiel est en effet invité par le roi Abdallah d’Arabie Saoudite en personne. Il faut dire qu’Abdullah Gül connaît bien le royaume où il a travaillé comme économiste pour la banque islamique de Développement.
Le couple présidentiel se déplace en (bonne) compagnie : Le Président des affaires religieuses (Diyanet), le Ministre des sciences et des technologie et la députée Meral Akşener font aussi le pèlerinage . Mercredi 16 octobre, ils ont échangé leurs vœux avec d’autres pèlerins turcs.
Mais tout déplacement présidentiel, y compris un pèlerinage et un séjour privé chez le souverain du pays est aussi un acte politique. Et le président turc a profité de l’occasion pour rencontrer d’autres leaders musulmans : le président du Pakistan, celui du Kazakhstan et le premier ministre de Jordanie.
La plus grande fête religieuse de l’Islam n’est pas une période polémiques (c’est même la trêve ). Cela étant dit, je ne suis pas certaine que le pèlerinage présidentiel ravisse le très croyant chef de gouvernement, Recep Tayyip Erdogan qui n’a pas abandonné son rêve de devenir le premier président d’un (futur) nouveau régime (semi) présidentiel de Turquie, projet que les amis de l’actuel président ne voient pas d’un bon œil. Or un tel voyage est évidemment un coup de projecteur supplémentaire sur le consensuel Abdullah Gül , qui régulièrement ne manque pas de se distinguer de positions « à poigne » de « Tayyip« , comme on appelle en Turquie le chef du gouvernement (qu’on l’adore ou le déteste)
Il est possible (mais j’avoue que ce n’est que spéculation) que l’invitation royale ne soit pas sans lien avec la situation régionale, et notamment avec celle de l’ Egypte. Jusqu’ici le gouvernement turc a une position intransigeante et refuse de reconnaître les autorités égyptiennes mises en place après le coup d’État de juillet, continuant de reconnaître le gouvernement Morsi comme le seul légitime. Son renversement n’avait pas déplu par contre aux autorités saoudiennes qui ne portent pas les Frères Musulmans dans leur cœur. Or dès le début de la crise égyptienne, Abdullah Gül a eu une position plus nuancée que le chef du gouvernement. Fin septembre à l’ONU il appelait à la reprise du processus de démocratisation en Egypte, à des élections libres et à la libération de Morsi. Mais il n’était pas question de son rétablissement à la tête du gouvernement dans ce discours. De là à voir dans cette visite l’amorce d’un futur rétablissement des relations diplomatiques entre les deux États, ce serait beaucoup s’avancer. ..
Quand certains s’envolaient pour le pèlerinage, des millions d’autres ont pris la route des vacances rendant visite à la famille ou en direction des plages, qui retrouvent une allure estivale !
(Oh la la ! Les grandes chaînes de TV si soucieuses de ne pas déplaire aux messieurs du gouvernement ont-elles osé montrer de telles images ? Où ont-elles prudemment choisi de cacher ces seins que certains ne sauraient voir ?…)
Et surtout , quelque soit le lieu et la façon dont il est célébré , hepimizin kurban bayrami kutlu olsun !