Comme chaque année, la Turquie célébrait la fête des enfants le 23 avril Une fête très républicaine à laquelle participent tous les enfants des écoles. On commémore le même jour la souveraineté nationale : le 23 avril 1920 se constituait le premier Parlement de ce qui deviendra, 3 ans plus tard, la République de Turquie et est présidé par Mustafa Kemal Atatürk.
Les écoles de Yüksekova et de Semdinli, dans la province kurde d’Hakkari étaient mobilisées pour la fête. Les représentants de l’État aussi. Ce jour là des gendarmes ont distribués des cadeaux aux enfants à Hakkari.
Mais un peu comme les fêtes du Heiva (14 juillet) en Polynésie française, qui sont davantage une grande fête de la culture polynésienne, avec ses concours de danses, d‘himene (chants polynésiens) et courses de pirogues qu’une fête républicaine, pour la fête des enfants la culture kurde de la province est de plus en plus à l’honneur.
Comme toute fête républicaine, cela commence par l’hymne national. A Semdinli, les représentants de l’armée participaient à la cérémonie officielle. Il est vrai que dans les lycées du pays, des gradés sont aussi chargés de cours. Les autorités municipales (BDP) par contre ne s’y sont pas associées.
Et naturellement Atatürk, le père de la nation, omniprésent dans les programmes scolaires, est célébré. Dans le lycée anatolien de Yüksekova, TOKI un autre symbole de l’État, plus contemporain celui là, est aussi affiché.
Deux petits privilégiés ont pris la place du kaymakam, le représentant de l’État dans le district pour l’occasion. (A Ankara, c’est au bureau du chef de gouvernement que d’autres se sont assis).
Des costumes rouge et blanc, couleurs de la République de Turquie pour ces petits de Yüksekova. Une tenue républicaine très musulmane (vue son âge) pour une des petites filles.
En version rouge, noir et blanc pour ceux -ci.
Rouge et blanc, encore, à Semdinli
Celles-ci ont adopté le rose que les poupées Barbie ont fait adorer des petites filles, même à Yüksekova (hélas)
Rose rouge pour les filles et costumes et danses kurdes pour tous, par contre pour ces petits de Semdinli
Dans la même école, un professeur a initié sa classe au théâtre loufoque.
Si les écoles de Foca sont au bord de la mer, les écoles de Semdinli ont bien vue sur la montagne. Moins de touristes s’y rendent, n’empêche que la région est superbe.
Plus de danses en rouge et blanc, mais danses en costumes kurdes aussi, pour les plus grands dans les écoles de Yüksekova.
(cela doit sans doute aussi dépendre du professeur et si l’école est fréquentée ou non par les enfants des forces de l’ordre, policiers et militaires)
Séance de pose dans les beaux vêtements kurdes avec le professeur
Encore mieux quand on y est aussi les vedettes, dans les robes kurdes des jours de fêtes.
Dans cette classe, c’est la kina gecesi (nuit du henné) d’un mariage kurde qu’on a dansé. Le fiancé est rayonnant. Bon, le vert du voile de la fiancée est juste passé à l’orange (on est dans une école de la République quand-même)
La fiancée resplendissante dans sa robe rouge. Le fiancé semble davantage intimidé depuis qu’elle a retiré son voile.
Un air plus modeste pour la fiancée (qui a bien appris la leçon) devant la corbeille du kina. Le fiancé semble toujours aussi intimidé.
Les invités de la noce, dansent. Il y a pas bien longtemps , c’étaient les tenues portées par tous les villageois et villageoises du district. Ces coiffes à pompons multicolores sont quand-même plus seyantes que le foulard islamique contemporain. Ils sont beaux aussi les garçons.
A partir des années 80, comme la langue et les chants, les costumes kurdes ont été interdits par la République. Dans les villages ils sont restés tolérés, mais de telles festivités étaient inimaginables il n’y a pas si longtemps,dans des écoles, principales vecteurs du bourrage de crâne républicain.
Ce monsieur doit se réjouir de voir ainsi danser ses petits enfants.
A Hakkari, chef lieu de la province, des festivités officielles étaient organisées pour la « fête de la souveraineté nationale et des enfants ». Là ça devient sérieux : c’est le moment de l’hymne national.
C’est sous le regard d’un fondateur de la République géant et d’un immense drapeau que les petits font leur show
Des danses et robes kurdes d’Hakkari aussi parmi les prestations.
Ambiance républicaine dans le public
Pour les officiels de la province, un repas champêtre « de la paix » était organisé. Enfants et femmes n’étaient pas conviés aux réjouissances (machiste la République à Hakkari ? ).Madame la maire d’Hakkari, BDP, nouvellement élue a sans doute décliné l’invitation.
On y dansait quand-même le halay entre hommes : ceux qui mènent la danse sont peut-être (pas certain) des notables de villages korucus
Le 23 avril, c’est aussi le jour où on rappelle que ce n’est pas la fête pour tous les enfants en Turquie, où plus de 8 millions d’enfants sont contraints de travailler, comme les petits cueilleurs de fraises de la région de Mersin.
Le BDP, le parti kurde qui n’a pas pris part à cette fête très républicaine rappelle que nombreux enfants ont été tués par l’Etat cette dernière décennie en Turquie, et comme pour les adultes leur mort reste systématiquement impunie.
Berkin Elvan (14 ans) dont le prénom – et la maman – est kurde et qui est devenu le principal symbole de la répression (et de l’impunité) policière du mouvement Gezi, n’est que le dernier d’une longue liste. La plupart des enfants tués sont kurdes, comme Ugur Kaymaz, 12 ans, assassiné de 14 balles par des policiers à Kiziltepe (Mardin ) ou Ceylan Önköl (14 ans) dont la famille avait elle même du rassembler le corps déchiqueté à Lice (Diyarbakir). Ou encore Seyfullah Turan (16 ans) frappé violemment à la tête à coups de crosse de fusil, sous l’œil d’une caméra de TV tandis qu’un de ces camarades (14 ans ) se noyait dans la rivière glacée en fuyant, il y a cinq ans, un 23 avril 2009 à Hakkari.