
Après Sinjar ce week-end, ce sont les villes chrétiennes de l’Est de Mossoul, Qaraqosh, Bartella, Bashiqa (où vivent de nombreux yézidis ) ou Tal Kayf qui viennent de tomber entre les mains des fanatiques de l’Etat islamique. Là encore les peshmergas ont du se replier. Et c’est un nouvel exode massif de Chrétiens et Yézidis. La situation est alarmante.
Des nouvelles contradictoires arrivent de la ville de Makhmur à 80 kms au sud d’Erbil et à laquelle l’État islamique s’est attaquée. Difficile de savoir qui contrôle la ville. Le PKK a envoyé des renforts et aurait évacué les civils du camp de réfugiés kurdes de Turquie ( pro PKK ), où tous ceux capables de se battre ont pris les armes. Des combats se poursuivent entre forces Kurdes( PKK/YPG / peshmergas) et EI. Vidéo ICI
Les Turc/Kurdes fanatisés pro EI qui haïssent viscéralement les « infidèles » du PKK aurait tort s’ils se réjouissaient trop vite. Leurs petits amis ne vont sans doute pas faire de vieux os à Mahkmur.

Triste nouvelle. Deniz Firat, journaliste -guérilla qui couvrait les PKK a été tuée par un tir de mortier à Mahkmur. C’est à ma connaissance la seule journaliste tuée depuis le 10 juin en Irak. Il est vrai que tous ne prennent pas de tels risques, ce que l’on comprend, l’enlèvement de journalistes ayant été une des principales sources de financement de l’État islamique. C’était une militante qui avait grandi dans le camp de réfugiés où elle tournait. Une cérémonie de funérailles se déroulera à Qandil, le 9 août. Le 11 elle sera enterrée à Van.
Des F16 de l’armée turque ont survolée la zone dans la journée du 7 août. Certaines sources affirment qu’ils y auraient bombardé des positions de l’EI, ce que nient les autorités turques. La Turquie, où des Yézidis de Sinjar viennent de trouver refuge chez des parents de Batman notamment, vient de déclarer que les réfugiés de Makhmur étaient autorisés à rentrer en Turquie s’ils le souhaitaient.
On ne sait pas bien non plus qui contrôle le grand barrage de Mossoul. Contrôler ce barrage, c’est non seulement posséder la maîtrise de l’eau (vitale en Mésopotamie) et d’une bonne partie de l’électricité. C’est aussi avoir la possibilité d’ennoyer une partie du nord du pays jusqu’à Bagdad. C’est dire qu’il faut éviter qu’une telle arme ne tombe entre les mains des fanatiques de l’EI.
Kalak aux portes du Kurdistan irakien officiel et à une trentaine de kilomètres d’Erbil est menacé. Pour éviter qu’ils ne soient une source de renseignements pour l’EI, et surtout pour empêcher ceux -ci de divulguer leur propagande destinée à affoler les populations, Facebook et Twitter ont été coupés à Erbil et Dohouk. Mais comme toujours la censure reste relative et les Kurdistanî (habitants du Kurdistan) deviennent des as du proxy.
Des renforts venus de Suleymaniye (PUK) sur la frontière iranienne (que l’EI n’est pas prêt de menacer) sont arrivés à Erbil. Une marche à la gloire des peshmergas accompagne les images de cette vidéo.
Plusieurs compagnies étrangères auraient commencé à évacuer leur personnel du Kurdistan irakien par mesure de précaution. Et à Harbur le passage de la frontière est désormais interdit aux citoyens turcs. Je présume que cet interdit ne s’applique pas aux routiers qui vont ravitailler le Kurdistan, ni au personnel humanitaire. Espérons que le passage est aussi interdit aux candidats au jihad qui franchissaient sans trop de difficultés la frontière turco syrienne.
Les USA viennent d’autoriser des frappes aériennes ciblées. Elles ont commencé et l’aviation US soutient désormais les troupes kurdes au sol. A défaut d’avoir participé aux frappes, la Turquie leur a donc ouvert son espace aérien. La France vient aussi de s’engager à soutenir les Kurdes. On ne sait pas encore quelle forme va prendre cette assistance. Il est peu probable des troupes françaises soient envoyées là bas, sauf dans le cadre d’une force internationale qui n’est pas à l’ordre du jour. Mais les Kurdes vont certainement recevoir l’armement qu’ils réclamaient (et qui commençait déjà à arriver). Les faits ont assez montré qu’il leur faisait défaut.
Fuad Hussein, le chef de cabinet de Barzani vient de remercier les USA, l’État irakien (cela faisait longtemps que ce n’était pas arrivé ! ), la France, la Turquie ainsi que l’Iran (main dans la main avec les USA, ça aussi c’est nouveau) pour leur assistance. Mais il a aussi confirmé que le barrage de Mossoul était bien tombé entre les mains de l’EIIL, une nouvelle défaite de taille pour les peshmergas.
Il a aussi déclaré que depuis l’offensive de l’État islamique début juin 150 peshmergas ont été tués et plus de 500 blessés. Il ne le précise pas, mais 7 YPG au moins ont aussi perdu la vie en 5 jours au Kurdistan irakien, dont 1 originaire de Diyarbakir, en Turquie. Et à Rojava les affrontements continuent.
Ce sont ces combattants kurdes qui vont devoir se charger de faire dégager l’EI qui menace leurs territoires en Irak et en Syrie. Peut-être/ sans doute avec des tribus arabes qui viennent de déclarer leur opposition à l’État Islamique, mais exigent le départ de Maliki, ce qui n’est pas fait . Tant qu’elles ne se soulèveront pas difficile de croire que Mossoul puisse être libérée. Et tant que le l’État islamique y stationnera, le(s) Kurdistan seront menacés en Irak et en Syrie, qu’ils soient indépendant ou autonomes.

Dans les années 80 encore, les peshmergas étaient des rebelles oubliés de l’Occident. C’est en Turquie que j’avais découvert les massacres de l’Anfal (entre 180 000 et 200 000 victimes) le gazage de Halabja et que Saddam Hussein était un monstre. Et pas dans les milieux pro kurdes, mais chez des amis lazes du gecekondu de Pazariçi à Istanbul. En 1988 en France, c’était l’Iran le mauvais islamiste. L’Irak était l’allié de l’Occident. Les médias français ne s’étaient pas précipités à Halabja.

Une grande part du prestige de Massoud Barzani, le président du KRG, tient au fait il ait été peshmerga dans la montagne kurde, dans les troupes de son père, Mollah Mustapha Barzani, un des leaders incontestés du mouvement kurde et le fondateur du PDK.

Jalal Talabani , Mam Jalal, le fondateur du PUK (yetiki) le parti rival et futur président de l’Irak, a lui aussi combattu dans la montagne.

Et Abdullah Öcalan, le fondateur du PKK qui négocie actuellement avec la Turquie de la prison d’Imrali, a vécu des années au milieu de ses guérillas. Comme les autres leaders kurdes , il en tire une bonne part de sa légitimité.
Ce n’est qu’en 1991, quand des centaines de milliers de personnes, craignant la vengeance de Saddam Hussein après sa déroute au Koweit, afflueront à la frontière turque où l’armée turque était massée que les Kurdes entreront dans le paysage médiatique occidental. Avec une image de peuple martyr. Saddam Hussein n’était plus l’allié de l’Occident. On n’aura aucune image par contre de ceux qui trouvaient alors refuge en Iran.
En 2014 les peshmergas constituent une armée de métier (même si 2 armées, une PDK et une PUK serait sans doute plus juste) équipée et formée par les Américains. Et depuis la prise de Mossoul les caméras du monde entier sont braquées sur eux.

On est loin des rebelles oubliés dans les montagnes. Fini aussi les combattants du peuple martyr. Aujourd’hui ce sont eux que le monde considèrent comme le « dernier rempart » contre les fanatiques de l’État islamique et les protecteurs de ceux qu’il menace. La nouvelle Miss Kurdistan avait revêtu l’uniforme de ces nouveaux chevaliers pour leur rendre visite. On a aussi vu des images de femmes journalistes posant sur leurs chars.

Les peshmergas ne se comportent peut-être pas toujours avec autant d’humanité vis à vis de leurs prisonniers que celui qui donne à boire à ce prisonnier. Je me souviens d’un reportage (j’ai oublié de quel média) post invasion américaine, dans laquelle un commandant américain se plaignait que les prisonniers baathistes « interrogés » par les Kurdes sortaient en si mauvais état de ces interrogatoires qu’on ne pouvait plus rien en tirer.Ils avaient sans doute un peu tendance alors à rendre leur pareil aux baathistes.
Surtout cette image qui est très populaire sur les médias sociaux kurdes est à l’antithèse des têtes coupées et des exécutions en masse de prisonniers que divulguent ceux de État Islamique. Là encore c’est l’image du soldat chevalier que veulent défendre et promouvoir leurs partisans.

Un autre peshmerga offrant à boire à un prisonnier. Je ne sais pas où non plus.
Dommage par contre que les images des ennemis tués paraissent autant appréciées dans les deux camps qui les divulguent sur leurs réseaux Twitter ou Facebook.

PKK et YPG sont célèbres pour leurs bataillons féminins. Les femmes soldats n’étaient pas une tradition chez les rebelles pesmerge (quelques rares exceptions seulement) par contre. Moins nombreuses que les guerilla, les femmes sont cependant présentes dans leur armée moderne. On m’a parlé au moins d’une ancienne guérilla du PKK devenue commandant dans les peshmergas. Il y en a probablement d’autres.

Mais les peshmergas ne sont plus seuls à combattre au Kurdistan irakien. Comme je l’écrivais dans un précédent billet les YPG sont venus à la rescousse et ont traversé la frontière depuis Rojava/ Syrie, quand ce week-end l’EI a lancé ses offensives.
C’est la vidéo d’un reportage de Rohani TV, (Rojava, Kurdistan de Syrie) pro PYD. La musique d’ambiance rappelle les reportages de certaines chaînes turques. On y voit aussi aussi des YPG et des peshmergas (il s’agirait de PUK) sur le front de Sinjar. Sans l’entrée des YPG à Sinjar le 3 août quand la plupart des peshmergas s’en sont repliés, il y aurait certainement eu encore plus de victimes yézidies.
Eux, ce sont des guérillas du PKK qui paradent dans la ville de Sinjar, selon la source (peut-être dans un des villages du district) . Pour la première fois depuis les premières révoltes kurdes, tous les Kurdes combattent ensemble un ennemi commun. Toujours pas de coopération au sommet, officiellement. Mais sur le terrain elle est indispensable, sinon les différentes forces kurdes risqueraient de s’entretuer. Et les combattants ne doivent pas avoir de réticences à coopérer.
Une vidéo trouvée sur le compte You Tube d’un Yézidi de Sinjar. Le chanteur est probablement un routier kurde de Turquie. Je l’ai choisie pour la mélancolie de sa chanson, la route et le camion.
Les civils continuent à mourir d’épuisement dans le jebel de Sinjar. Mais des forces kurdes (et des journalistes kurdes) y ont pénétré. Plusieurs dizaines de réfugiés sont arrivés le 7 août à Dohouk, complètement épuisés après avoir passé 5 jours dans la montagne. Surtout, les forces kurdes -( ce seraient les YPG venues de Rojava, guerillas PKK seraient aussi dans la montagne et peshmergas dans la plaine) sont parvenues à ouvrir un corridor de sécurité ce qui vient de permettre à des milliers de personnes assiégées depuis 6 jours de fuir et de trouver refuge à Rojava / Kurdistan syrien, d’où une partie a rejoint Zakho (Kurdistan irakien/ frontière turque) ou Dohouk après un long détour.
Merci Anne. Je suis actuellement a Antep. Si ca vous dit un the’ et ou des baklavas pistaches n’he’sitez pas a me contacter.
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