On pourrait consacrer tout un blog aux clips à la gloire des combattants kurdes peshmerge, PKK ou YPG. La chanson a toujours fait partie des outils de propagande de prédilection des différentes fractions kurdes. Mais évidemment depuis que leurs combattants ne se confrontent plus à une armée étatique, mais aux jihadistes de l’Etat islamique, on assiste à une prolifération de nouveaux clips. Au-delà de la propagande, ces clips en disent beaucoup sur les différentes troupes kurdes combattant l’Etat islamique.
Pour célébrer les peshmergas du KRG (province autonome du Kurdistan en Irak), cette chanteuse a repris une des chansons les plus célèbres du chanteur kurde Sivan Pewer. Elle se met en scène comme soldate (très pomponnée, visiblement elle sort de chez sa coiffeuse/maquilleuse) d’une armée conventionnelle qui marche au pas cadencé.
Une image bien différente de celle de guerriers « aux pieds nus » que le célèbre chanteur kurde de Siverek (province d’Urfa ) évoquait dans son clip Helvano; une autre de ses chansons (très connue elle aussi), très mélancolique celle -ci . Si la chanson est beaucoup plus ancienne, le clip doit dater de 2007. Le chanteur se met lui aussi en scène parmi un groupe de combattants rassemblés autour d’un feu de camp de « campagne ». Ils y évoquent le souvenir de ceux qui sont tombés.
Le chanteur a aussi mis son talent au service de la guerre contre Daech. Dès juin il dédiait une nouvelle chanson aux pershmergas du KRG- où il a quasiment un statut de chanteur officiel.
Pas sûre que le clip qui fait un hommage (très) appuyé à Barzani ait fait fureur chez les peshmerge UPK (le parti de Talabani), très présents sur le front de Kirkouk. Mais cela m’étonnerait aussi que ce clip soit toujours divulgué sur les chaînes de TV pro barzanistes. En effet il ne se contente pas d’être un hommage aux « nouveaux pershmergas », c’est aussi le rattachement de facto au Kurdistan (KRG) des régions contestées qu’il chante.
Seulement parmi ces territoires contestés, outre Kirkouk, il y a Sinjar (Shengal en kurde). Avec la façon dont les peshmergas (PDK) se sont débinés en abandonnant la population yézidie qu’ils étaient sensés protéger des tueurs islamiques, la bataille de Sinjar va plutôt marquer une page noire de l’histoire des peshmergas et des luttes kurdes.
Les Kurdes qui se gaussaient sur les médias sociaux du colonel de l’armée irakienne ( surnommé le Lion de Maliki) lorsqu’il s’était replié après avoir résisté une semaine à Tel Afar contre l’armée islamique, ont alors assisté à un repli autrement moins glorieux de leurs propres combattants. Même avec la meilleure volonté du monde impossible de parler de résistance.
Depuis la tragédie du 3 août, il a écrit une autre chanson sur Sinjar. Cette fois guérillas (HPG/PKK) et YPG participent aussi au combat contre l’Etat Islamique. Il me semble que c’est assez rare pour être relevé .Mais le clip donne l’impression que les frères kurdes de Rojava sont venus prêter main forte aux peshmergas. Alors que ce n’est pas tout à fait ainsi que cela s’est passé.
Dès le 3 août les YPG de Rojava entraient à Sinjar que les peshmergas abandonnaient. Avec le soutien de guérillas HPG/PKK arrivés directement de Qandil, ils réussissaient quelques jours plus tard à créer un corridor qui a permis à des dizaines de milliers de Yézidis réfugiés dans la montagne de fuir. L’apport déterminant des combattants PKK à Sinjar, mais aussi à Mahkmour ou Gwer, a fait grimper leur prestige dans tous les territoires kurdes, où les « guérillas » (combattants PKK) étaient déjà souvent populaires au sein de la population : admiration pour le « combattant kurde des montagnes » en lutte contre un Etat puissant, le plus souvent sans adhérer pour autant au » système » (organisation de la société) PKK, il m’a semblé.
Je ne suis donc pas certaine que la nouvelle chanson de Sivan Perwer fasse partie du répertoire des combattants de Qasim Shesho quii avait résisté avec ses hommes contre l’Etat islamique le 3 août à Sinjar, quand les pershmegas se repliaient. Si aujourd’hui, celui qui est devenu un héros pour les Yezidis se bat aux côtés de ces derniers, c’est à la tête de ses propres troupes constitués de volontaires yézidis (et Turkmen) , en partie entraînés par les YPG kurdes de Rojava, le Kurdistan de Syrie J’ignore s’il a conservé sa carte du parti PDK, mais le moins qu’on puisse dire est que la confiance des combattants yézidis dans les peshmergas du KRG a été sérieusement écornée.
Les images de peshmergas devenus des militaires d’une armée conventionnelle (de plaine dans les nouveaux clips), contraste avec celles des HPG/PKK restés des « guerriers aux pieds nus des montagnes ». Le lever du soleil, symbole du Kurdistan, promet aussi lendemains qui chantent. Chant a capella de mise pour cette marche des guérillas que tout gamin de la province d’Hakkari connaît depuis la maternelle. Elle y fait partie du répertoire chanté dans toutes les fêtes de mariage. Ce clip date un peu, mais reste très représentatif.
Ceux qui sont coutumiers des chaînes de TV kurdes pro PKK sont coutumiers aussi de ces images de guerillas dansant le halay dans un campement de montagne. Là aussi on insiste sur la frugalité et bien sûr la mixité. Inutile de souligner ce dernier point. Ceux qui ignorent encore que les femmes sont nombreuses dans les rangs des HPG et des YPG ne doivent jamais ouvrir un magazine. Mais on remarque à leurs sourcils soigneusement épilés que les femmes ne sont plus contraintes de renoncer à toute coquetterie quand elles rejoignent la montagne.
Les YPG kurdes syriens sont les derniers nés des troupes kurdes. Mais même si leur proximité avec les HPG qui les ont formés et encadrés, n’est pas un mystère, les clips en leur honneur se distinguent des leurs. Comme le monde entier le sait (sauf quelque élue UMP qui a peut-être fini par l’apprendre) , il s’agit là aussi de combattants sans solde et dont l’équipement reste sommaire (surtout à Kobane). Mais comme les pershmergas (et à la différence des HPG/PKK) ils constituent depuis l’été 2012 l' »armée » d’un territoire autonome kurde de Syrie.
Pas étonnant donc que les clips les montrent défilant dans les villes des cantons de Rojava, comme dans ce clip déjà (un peu) ancien. Comme on le voit aussi – et contrairement à ce que beaucoup imaginent – la bataille de Kobane est loin d’être leur première expérience de guérilla urbaine.
Mêmes remarques pour ce clip plus récent et de meilleure qualité. Les halays dansés par les civils sont en live cette fois (je pense pendant une fête de Newroz, mais les kurdophones doivent pouvoir le déduire à la date qui apparaît sur une affiche).
Les YPG ont conservé l’habitude de leur grands frères et soeurs HPG/ PKK de danser des halays pour se détendre un peu sur le front. Ils aussi ont conservé leur répertoire. Le décor lui par contre a changé. Il est urbain cette fois. Cette vidéo a été prise lors des fêtes du Sacrifice, au début du mois peut-être dans Kobane assiégée, peut-être dans un autre canton de Rojava où on se bat aussi contre les jihadistes.
Pour ma part j’adore cette vidéo d’un concert impromptu de YPG, qui me rappelle l’ambiance des bringues tahitiennes. Elle montre bien que quelque soit les circonstances, les Kurdes sont toujours prêts à se marrer. C’est sans doute ce qui fait aussi leur force contre Daech, qui comme tous les fanatisés se prennent énormément au sérieux.