Sans aller jusqu’à imaginer l’ampleur que prendrait la contestation devenue mouvement de contestation contre l’autoritarisme du gouvernement AKP, j’avais quand même prédit dans mon précédent billet, que les flots de gaz lacrymoges n’allaient pas intimider les amoureux des derniers arbres du quartier de Taksim. Au contraire.
Maintenant ce sont les chaînes de TV du monde entier qui diffusent les images des dizaines de milliers de protestataires venus rejoindre la poignée d’indignés qui occupent Gezipark depuis le 29 mai. Chaque jour ils sont de plus en plus nombreux. Ce serait plus de 40 000 indignés qui auraient traversé le pont du Bosphore à pied pour rejoindre la place Taksim.
Çarşı, le club de supporters de Besiktas dont je parlais aussi dans le précédent billet, sans surprise, s’est mobilisé
Une protestation qui fait même tâche d’huile dans le pays. Ankara et de nombreuses villes de province sont le théâtre de manifestations (10 000 manifestants sur le Kordon d’Izmir).
Des conseils pour se prémunir contre les nuages de gaz de lacrymogènes circulent sur les réseaux sociaux. Le masque à gaz artisanal porté par la journaliste Ece Temelkuran est peut-être un peu plus efficace qu’un demi citron
Un mouvement de protestation dont l’ampleur et la répression n’est pas sans rappeler quand même le printemps arabe. Il y a centaines de blessés, la plupart souffrant de troubles respiratoires. D’autres blessés par des bonbonnes de gaz lacrymogène, lancées à tirs tendus par les forces de l’ordre. . Taksim n’est sans doute pas tout à fait Tahrir, mais une touriste égyptienne de 34 ans est hospitalisée dans un état critique. Pas sûre que les manifestants de la célèbre place égyptienne ne trouvent pas là quelques correspondances…
Une violence qui fait chaud au coeur de l’ancien grand ami syrien.
Atteints par des tirs ciblés aussi. Cette jolie femme brune en robe rouge aspergée de gaz lacrymogène au Gezi Park est devenue une icône.
Parmi les centaines de blessés, il y a Ahmet Sik, un journaliste qui vient de passer un an en prison, alors qu’il faisait une investigation sur les réseaux Fethullaci. Le livre qu’il écrivait a fait une première mondiale, en ayant été interdit alors ….qu’il n’était même pas achevé! (du coup sa version inachevée diffusée sur Internet est devenu un bestseller). Difficile de croire que le tir l ‘ a atteint en plein visage par hasard…
Ni celui qui a atteint à l’épaule le député du BDP, Sirri Surreyya Önder, élu de la circonscription à laquelle appartient Taksim. Ce député et artiste (musicien, cinéaste, acteur…), personnalité de gauche ayant passé plusieurs années dans les prisons d’Evren après le coup d’Etat de 1980, et dont la popularité dépasse largement l’électorat du parti kurde, s’est mobilisé dès les premiers jours pour la défense de Gezipark.
Son opposition à la destruction des arbres par les bulldozers, a contribué à populariser le mouvement. Des images fortes qui en rappellent d’autres…..
La violence de la répression et le ras le bol d’une partie de la population excédée par les dérives autoritaires du chef de gouvernement AKP, Recep Tayyip, ainsi que le mépris qu’il affiche vis à vis de ceux qui ne l’ont ne pas élu (près de la moitié du pays, quand même) ont fait le reste.
11 ans de pouvoir ont fini par aveugler le pouvoir, qui a fini par se comporter en propriétaire du pays. Or Taksim est le territoire d’une certaine Istanbul qui n’est pas celle rêvée par Recep Tayyip Erdogan et qui n’a pas envie qu’on lui dicte la façon dont elle doit vivre.
Ni ce qu’elle doit penser et savoir .
ci dessous, un camion de NTV , une chaîne proche de l’AKP (elles le sont toutes ou presque) , a été l’objet de la colère de manifestants. Yalan Haber peut se traduire par « mensonges infos »
D’autres images incroyables sur le site Occupy Gezi